Appelé la veille, le 31 mai 1958, à former un gouvernement par le président de la République René Coty, Charles de Gaulle s’adresse pour la première fois à l’Assemblée nationale comme président du Conseil.
« La dégradation de l’État qui va se précipitant. L’unité française immédiatement menacée. L'Algérie plongée dans la tempête des épreuves et des émotions [...]. Dans la métropole des mouvements en sens opposé renforçant d'heure en heure leurs passions et leur action. 5 L'armée, longuement éprouvée par des tâches sanglantes et méritoires, mais scandalisée par la carence des pouvoirs¹. Notre position internationale battue en brèche jusqu'au sein même de nos alliances². Telle est la situation du pays. En ce temps même où tant de chances, à tant d’égards s'offrent à la France, elle se trouve menacée de dislocation et, peut-être, de guerre civile.
10 C'est dans ces conditions que je me suis proposé pour tenter de conduire, une fois de plus, au salut le pays, l’État, la République et que, désigné par le chef de l'État, je me trouve amené à demander à l'Assemblée nationale de m'investir pour un lourd devoir.
De ce devoir, il faut les moyens.
15 Le gouvernement, si vous voulez l'investir, vous proposera de lui attribuer aussitôt les pleins pouvoirs, afin d'être en mesure d'agir dans les conditions d'efficacité, de rapidité, de responsabilité que les circonstances exigent. Il vous le demandera pour une période de six mois, espérant, qu'au terme de cette période l'ordre rétabli dans l'État, l'espoir retrouvé en Algérie, l'union refaite dans la nation, permettront aux pouvoirs publics de reprendre le cours normal de leur fonctionnement.
20 Mais ce ne serait rien que de remédier provisoirement, tant bien que mal, à un état de choses désastreux, si nous ne nous décidions pas à en finir avec les causes profondes de nos épreuves. Cette cause – l'Assemblée le sait et la nation en est convaincue – c'est la confusion, et par là même, l'impuissance des pouvoirs. Le gouvernement que je vais former, moyennant votre confiance, vous saisira sans délai d'un projet de réforme de l'article 90 de la Constitution de telle sorte que l'Assemblée nationale donne mandat au gouvernement d'élaborer, puis de proposer au pays, par la voie du référendum, les changements indispensables. 25 Au terme de l'exposé des motifs qui vous sera soumis en même temps que le texte, le gouvernement précisera les trois principes qui doivent être, en France, la base du régime républicain et auquel il prend l'engagement de conformer son projet. Le suffrage universel est la source de tout pouvoir. Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés, de façon que le gouvernement et le Parlement assument, chacun pour sa part, et sous sa responsabilité, la plénitude de ses attributions. Le gouvernement doit être responsable vis-à-vis du Parlement. »
Journal officiel de la République française, débats parlementaires, séance du dimanche 1er juin 1958
¹ Un comité de salut public appuyé par l’armée s'était constitué à Alger contre le gouvernement et en soutien de l’Algérie française.
² La France se voit contestée sur la scène internationale pour sa politique de répression en Algérie. Elle est notamment plusieurs fois condamnée par l’Assemblée générale de l’ONU.
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